CovidGate : Un test à 17 500 F CFA au lieu de 2 932 F CFA ! Révélations sur l’un des plus gros scandales financiers sous Biya !
Dans ce qu’il convient dorénavant d’appeler le Covidgate,
les révélations fracassantes se multiplient au fil de l’évolution de l’enquête
du Tribunal Criminel Spécial.
En effet, il s’est avéré que dans le plan de riposte contre la pandémie au
Cameroun, des milliards de Francs Cfa ont été détournement à différents
niveaux.
Entre ambulances et malades fictifs, gonflement des prix des tests et octroi de
marché au gré à gré, cette affaire n’a pas encore livré tous ses secrets.
Dans un document
d’une vingtaine de pages, la chambre des comptes dresse le bilan de
l’utilisation du fonds alloué dans la lutte contre le Covid-19, notamment les
180 Milliards de Fcfa alloués par le FMI.
Cette dotation du FMI devait servir, entre
autres, à l’achat d’équipements de protection, de tests, d’ambulances, de
médicaments, et à la prise en charge de la quarantaine des voyageurs.
Toutefois, le
document de cour des comptes relève que la gestion des fonds Covids fait
l’objet de plusieurs controverses.
Dans un article publié sur son site internet en milieu de semaine, et réservé
exclusivement à ses lecteurs, l’hebdomadaire Jeune Afrique revient sur ce
qui pourrait l’un des plus gros scandales financiers de l’histoire du pays.
Le journal note une
opacité dans la passation des marchés, dépassements des budgets alloués,
détournements, surfacturations flagrantes… Le tableau dressé est accablant,
avec la société Mediline Medical Cameroun (MMC) qui a bénéficié d’un
quasi-monopole, raflant 90 % des tests achetés pour 95 % des crédits engagés,
au détriment de deux autres prestataires locaux ayant pourtant une expérience «
avérée » dans la vente des médicaments et dispositifs médicaux.
Nous vous proposons un extrait de l’article de Jeune Afrique :
Les officiers de
police judiciaire du TCS scrutent particulièrement l’implication de certains
prestataires, soupçonnés par le rapport d’audit de la chambre des comptes de la
cour suprême d’avoir obtenu des marchés par des moyens peu licites. Principal
acteur visé : l’entrepreneur camerounais Mohamadou Dabo, consul honoraire de
Corée du Sud, dont le nom revient dans les plus importants contrats passés par
le ministère de la Santé.
Monopole et
surfacturation
Deux entreprises
contrôlées par Mohamadou Dabo sont épinglées par le document de travail des
enquêteurs. La première, Mediline Medical Cameroon (MMC), dans laquelle l’homme
l’affaires est actionnaire à travers sa société Moda Corporation, aurait obtenu
un « quasi-monopole » dans la fourniture des tests de dépistage du Covid-19,
soit 89 % des parts de marchés équivalent à 24,5 milliards de F CFA (37
millions d’euros), contre 10 % pour deux autres prestataires locaux ayant un
meilleur avantage concurrentiel.
La seconde, Moda Holding Hong Kong, filiale de Moda Corporation basée à
Yaoundé dont Dabo est le patron, a été chargée de transporter les tests de
dépistage achetés par l’entreprise MMC auprès de son fournisseur coréen SD
Biosensor. Selon la chambre des comptes, Moda Holding aurait pratiqué des «
prix (de transport) disproportionnés » qu’elle a facturés au ministère de la
Santé via MMC.
Des tarifs qui ont porté le prix du test de dépistage de marque Standard Q
Covid-19 AG Test à 17 500 F CFA l’unité au lieu de 7 084 F CFA si le Cameroun
s’était directement adressé au fabricant SD Biosensor, ou 2 932 F CFA s’il
s’était adressé au Fonds mondial de lutte contre le paludisme, le VIH et la
tuberculose. En tout état de cause, les opérations menées par ces deux
entreprises placées sous la coupe de Mohamadou Dabo auraient fait perdre au
Cameroun au moins 14 milliards de F CFA.
Des ministres
embarrassés
Comment des
contrats aussi importants ont-ils été conclus avec des entreprises aussi
inexpérimentées ? La chambre des comptes révèle en effet que jusqu’au 2 juin
2020, MMC ne justifiait d’aucune activité, alors même qu’elle été crée le 13
septembre 2017. La réponse est en tout cas bien gênante pour le pouvoir et tout
le monde se rejette cette patate chaude.
Au ministère de la Santé, on assure ainsi avoir suivi les instructions du
Premier ministre, Joseph Dion Ngute qui, dans un courrier signé le 23 juin
2020, demandait à Manaouda Malachie d’octroyer un contrat de livraison de 3
millions de tests « au partenaire coréen » Mediline. « Le Premier ministre a
bien donné cette instruction, reconnait un de ses proches. Mais sa lettre
précise clairement au responsable du ministère de la Santé de s’assurer de
l’application effective de la mercuriale des prix en vigueur ».
Un temps accusé d’avoir fixé des prix bien supérieurs à ceux du marché, le
ministre du Commerce, dont les services ont la charge de concevoir les
mercuriales de l’État, s’est lui aussi défendu en indiquant à l’opinion que son
ministère avait bien retenu le prix de 17 500 F CFA, mais pour un kit de 25
tests et non pour un seul test.
Droit dans ses
bottes
Au cœur du
scandale, Mohamadou Dabo reste droit dans ses bottes. Fidèle à la discrétion
qui le caractérise, l’entrepreneur rejette toute sollicitation médiatique.
C’est l’une des marques de fabrique de ce peul originaire du Nord du Cameroun,
et surtout l’un des secrets de sa réussite. Car dans un environnement où la
prospérité en affaire est souvent proportionnelle à l’engagement politique aux
cotés du parti au pouvoir, il a fait le choix d’évoluer dans l’ombre, bien loin
des joutes politiques publiques