Passeport bloqué par l’Etat: Achille Mbembe dément formellement les propos de Fame Ndongo !
Le choc épistolaire se
poursuit entre le Professeur Achille Mbembe et le Ministre Fame Ndongo.
En effet, le politologue vient de publier une tribune, en réplique à celle
rendue publique par le Ministre de l’Enseignement supérieur, concernant l’épineuse
question du blocage du passeport dont il serait victime.
Achille Mbembe n’a
pas attendu pour tirer les choses au clair et s’inscrire en faux contre le cadre
du bureau politique du RDPC.
En effet, Fame Ndongo a publié il y’a de cela quelques heures, un communiqué
pour démentir les allégations selon lesquelles le gouvernement camerounais
ferait blocus pour le renouvellement du passeport de l’éminent théoricien Achille
Mbembe.
Réponse du berger à
la bergère, ce dernier s’est de nouveau fendu dans une tribune, pour donner sa
version de l’affaire.
Nous vous proposons
en intégralité sa dernière sortie :
AFFAIRE DE PASSEPORT
Je suis désolé de vous agacer. Beaucoup d’entre vous
savent que de nombreux citoyens camerounais éprouvent d’énormes difficultés à
renouveler leurs documents d’identification. C’est le cas du passeport, mais
aussi de la carte nationale d’identité. J’en fais partie.
Pendant longtemps, je ne m’en suis jamais plaint
publiquement. Depuis un moment, j’ai décidé de le faire savoir. D’abord
discrètement, en prenant à témoin des personnalités dont on ne saurait mettre
en question les hautes qualités morales. C’était en 2016. Puis en public, plus
récemment. Au nom du RDPC (le parti au pouvoir au Cameroun), le Professeur
Jacques FAME NDONGO vient de se prononcer sur mon cas, sur la base
d’informations manifestement partielles.
Le Professeur livre des détails au sujet du passeport établi
en 2018 et qui, à peine un an plus tard, c’est-à-dire en 2019, ne dispose plus
d’aucune page libre et ne sert donc strictement à rien. Il s’agit donc d’un
passeport objectivement périmé. Le fait est qu’après avoir attendu, des mois
durant, qu’il soit délivré au Consulat du Cameroun à Pretoria comme de coutume,
j’avais été obligé de prendre l’avion à mes propres frais et de me rendre à
Yaoundé aux fins de « suivre le dossier » – malheureux euphémisme
dont, peut-être, seul mon compatriote Jacques FAME NDONGO ne connait guère la
signification. Ses explications – en réalité une apologie peu convaincante du
gouvernement – ne sont donc pas d’une grande utilité.
La vérité est qu’a l’heure où je vous parle, ma demande de renouvellement du passeport de 2018 (aujourd’hui objectivement périmé) n’a toujours pas été honorée. Il en est de même de la demande de renouvellement de ma carte d’identité déposée en avril 2018. Si le Président MACKY SALL ne m’avait pas octroyé un passeport diplomatique sénégalais, j’aurais été contraint de changer de nationalité.
Je n’ai ni le temps, ni l’envie d’entretenir quelque
polémique que ce soit avec qui que ce soit. Si, comme le suggère le
Professeur FAME NDONGO, le régime au pouvoir n’instrumentalise pas les papiers
d’identification comme levier pour le harceler ou réprimer les dissidents,
alors que l’administration renouvelle mon passeport et que l’on passe à autre
chose.
Encore faut-il souligner que loin d’être prive, ce problème
est structurel. Entre 1999 et 2011, le passeport ordinaire camerounais comptait
48 pages dont 38 étaient réservées aux visas et 7 a des signalements
divers. A partir de 2011, le nombre de pages a été réduit à 32 dont 28
sont consacrées aux visas. En d’autres termes, il suffit de 28 voyages dans des
pays ou un visa est exigé des Camerounais pour qu’un passeport soit
objectivement périmé.
Pour ceux et celles d’entre nous qui travaillons sur
l’international, la durée de vie d’un passeport est de plus en plus réduite, ce
d’autant plus qu’à cause d’une diplomatie moribonde, les Camerounais ont besoin
de visas pour se rendre dans la quasi-totalite des pays du monde.
Or, il suffirait d’un peu d’imagination pour satisfaire les
citoyens et se doter de services efficaces, voire rentables. L’on
pourrait par exemple diversifier les modèles de passeports en fonction des taux
de consommation. Un document de 48 pages pourrait être propose aux “grands
consommateurs” de passeports moyennant un prix un peu plus élevé.
Les délais varieraient par ailleurs. Les prix aussi. Les
frais pour un passeport délivré en moins de 10 jours, par exemple, seraient
plus élevés que les frais pour un passeport délivré en trois mois. Le
Trésor public en sortirait renfloue. Les citoyens seraient satisfaits. Et ce
régime qui ne sait manier que le gourdin, l’intimidation et l’esbroufe pourrait
gagner en légitimité.