Pourquoi certains sont de mauvaises humeurs après une nuit torride ?

Anxiété, pleurs, mélancolie, malaise… vous éprouvez un bouleversement émotionnel fort après un rapport sexuel ? Vous avez peut-être vécu une expérience de dysphorie post-coïtale. Mais qu’est-ce que c’est exactement ? D’où vient ce ressenti ? Explications avec Deva Broncy, sexothérapeute.


Un état de tristesse ou de mélancolie après l’amour, est appelé dysphorie post-coïtale, et demeure bien plus fréquente qu’on ne le pense. Une étude publiée dansThe Journal of Sexual Health, a montré qu’environ 33% des femmes interrogées l’ont vécu au moins une fois dans leur vie et cela n’a rien d’inquiétant.

Des raisons biologiques
La dysphorie post-coïtale peut s’expliquer biologiquement dans un premier temps : « L’excitation sexuelle place l’amygdale au repos. Il s’agit d’une partie du cerveau qui détecte les situations d’alerte et de dangers. Donc, naturellement, une fois que le rapport est terminé, l’amygdale se réveille et se remet en situation d’alerte. Il est possible, que pour certaines personnes, un peu plus sensibles que d’autres, cet état d’éveil soit vécu comme désagréable », explique Deva Broncy. L’orgasme peut déclencher de la tristesse, pas seulement de l’ euphorie et du plaisir comme nous l’imaginons généralement : « pendant un orgasme, nous avons des pics de production de neuromédiateurs euphorisants : dopamine, ocytocine.... Cette production va naturellement chuter après un rapport, ce qui peut être ressenti comme un état de manque par certains ».

Un état émotionnel intense
Pour la sexothérapeute, les raisons psychologiques de la dysphorie post-coïtale sont simples et multiples : « Elle fait partie de notre palette émotionnelle. S’il y a eu une intensité et implication émotionnelle très forte pendant le rapport sexuel, la personne vivra un tel bouleversement qu’elle sera forcément chamboulée. Mais attention, le chamboulement ressenti après une relation sexuelle, ne signifie pas nécessairement euphorie, satisfaction ou plénitude. A contrario, qui dit larmes, ne dit pas forcément souffrance. Elles peuvent aussi être le simple signe que nous sommes dans un état émotionnel intense ». En d’autres termes, les émotions prennent le dessus et se sentir débordé émotionnellement n’est pas si étonnant après un rapport sexuel. Et ce trop-plein n’est pas forcément à interpréter au 1er degré.

« En matière de sexualité, il n’y a pas de normes et les émotions sont humaines. La définition même d’un orgasme vient du grec et signifie bouillonnement. C’est quelque chose qui nous dépasse et nous sommes dans un état de conscience modifiée. L’après-sexe est donc très fort émotionnellement et il est normal de se sentir bouleversé ».

Pourquoi on le vit mal ?
« Nous vivons dans un monde qui survalorise le positif et le bonheur », déclare Deva Broncy. Le bonheur est devenu une injonction. L’invitation à l’extase émotionnelle est partout : sur Internet, à l’école, au travail, dans les médias. Nous sommes devenu esclave de cette quête du bonheur. Pour Deva Broncy, « La possibilité d’être 100% heureux, au top de sa forme, chaque seconde de sa vie n’existe pas. D’ailleurs, ce n’est pas ça la vie ». Cette injonction touche également le domaine de la sexualité. Un état de bonheur et d’euphorie intense ou un orgasme extraordinaire n’est pas envisageable à chaque fois. Cette baisse de moral ou de régime après une relation sexuelle est normale et ne constitue qu’un bouleversement émotionnel.

Comment réagir face à ce spleen de mon/ma partenaire ?
Quand nous sommes témoins de cet état de malaise de la part de leur partenaire, nous aurons tendance à fuir ou nous évader pour compenser : fumer une cigarette, manger, boire, regarder son smartphone. Or, pour Deva Broncy « Comme à chaque fois en matière de sexualité, la clé est la communication ». La bonne réaction : demander à son partenaire si elle/il va bien, être à l’écoute et l’accueillir au mieux.

« Il est important d’accorder du temps à toutes les phases du rapport, dont celle de l’intégration, de l’assimilation puisqu’elle fait partie intégrante du cycle sexuel ». L’essentiel est de se connecter avec son/sa partenaire : savoir si nous sommes en phase, si la relation est véritablement consentie, demander ce que ressent l’autre avant et après… en somme écouter son partenaire et communiquer. Tout dépend de l’interaction entre les deux.

Mais attention ! Une réaction souvent naturelle et à éviter selon la sexothérapeute : chercher tout de suite une solution et étouffer les émotions de l’autre en lui disant ‘ne pleure pas, ça va aller etc’. « Quelques fois, simplement écouter suffit ».

Quand s’inquiéter ?
Cette dysphorie ne représente donc aucune raison de s’inquiéter, sauf exceptions. Si l’état qu’elle provoque est régulier, un contexte est peut-être à prendre en compte : abus sexuels, soucis du quotidien, maladies, troubles sexuels… Par exemple, une personne dépressive sera plus susceptible de la vivre. Deva Broncy confirme : « elle fait plus ou moins partie de la sexualité et ne devient pathologique que lorsqu’elle est récurrente. Si elle survient 1 fois sur 2, qu’elle perturbe le couple ou la personne, là oui, il faudra s’interroger et consulter ».