Mariée de force et violée, Le tranchant destin de Falmata


Elle avait seulement 15 ans, son «mari» 67 ans en 2019. C’est la triste histoire de Falmata Saley, une petite Toubou de Bourtou, un village situé à environ 18 km à l’Est de Tesker (région de Zinder). Sans son consentement, ni celui de sa famille, Falmata a été victime d’un mariage forcé. Son ‘’ex-mari’’ demande 940.000 FCFA de dommages et intérêts pour que le mariage soit ‘’défait’’.


UN PÈRE MALADE QUI N’A PAS TOUTES SES FACULTÉS MENTALES…
Agé de 80 ans au moment des faits, Saley Maman le père de la petite Falmata n’avait plus ses facultés mentales. Il est aussi partiellement sourd, cela depuis plus de 27 ans consécutivement à un accident de circulation. Toute sa famille est prise en charge par son frère cadet, Alhadj Mahaman Taher Saley Moussa, résidant à Kano au Nigeria. C’est ce même frère qui prend les décisions concernant tous les événements familiaux notamment le mariage des enfants. Falmata est issue d’une fratrie de neuf (9) enfants dont quatre (4) filles. Deux de ses sœurs ont été déjà mariées par leur oncle bienveillant.

UNE ESCROQUERIE FINEMENT PRÉPARÉE ET EXÉCUTÉE
Conscient de l’état de santé (notamment) du père de Falmata, le prétendu gendre nommé Issibié Ibrahim, un habitant du campement de Tass (département de Tesker) a monté un ‘’plan en béton’’ que l’octogénaire Saley Maman, diminué par la maladie ne saurait remettre en cause.

Ainsi une nuit de mars 2019, Issibié accompagné de ses proches sont venus voir le père de Falmata, selon le récit fait au ministre de la Justice (lettre datée du 28 mars 2020) par l’oncle de Falmata. Ils le font sortir du village à environ 5 km pour éviter les regards et tout soupçon dans la famille. C’est alors que son prétendu gendre lui fit cas de son désir d’avoir la main de Falmata. Mieux, il fait comprendre au vieux Saley, qu’il a déjà obtenu l’accord de son frère Alhadj Mahaman Taher, résidant au Nigeria. Pour appuyer cette escroquerie, le prétendu gendre simule un appel téléphonique pour faire comprendre au père de Falmata que c’est son frère de Kano. Il lui notifia aussi que l’oncle de Falmata a décidé que les cérémonies religieuses se passeront à Kano. Le vieux Saley Maman fut totalement convaincu par cette supercherie. D’ailleurs comment peut-il en douter un seul instant, lui qui est presque sourd ? C’est alors que Issibié lui remis la somme de 100.000 FCFA en guise de dot pour la jeune fille de 15 ans et lui a promis un jeune chameau de deux (2) ans. Tout ce processus s’est déroulé à l’insu de la concernée Falmata, de sa mère et des autres membres de la famille.

LE CALVAIRE DE FALMATA
Quatre(4) jours après ce montage, Issibié est arrivé dans le village en compagnie de quatre(4) autres personnes pour emmener Falmata à la surprise de sa mère. Malgré son refus et ses pleurs, malgré l’opposition acharnée de sa mère et de ses sœurs, Falmata fut enlevée de force et transportée au campement de Kouani pour les noces d’un mariage qu’elle n’a jamais consenti. Elle y passa trois jours de calvaire, le temps que sa mère n’arrive à alerter les autres membres de la famille et les autorités locales. «J’ai poursuivi le véhicule à pied, j’ai parcouru des kilomètres pour essayer de voir là où ils emmènent ma filles», confie Dowi Malam Tchougou, mère de Falmata.

Aussitôt alertée, la Garde Nationale du Niger (GNN) de Tesker se lançant à la poursuite de l’auteur de cette forfaiture. C’est ainsi que Issibié fut arrêté, un PV dressé par le commandant de brigade des pistes de la GNN de Tesker.

EN JUSTICE, LE ‘’BOURREAU’’ DEMANDE 940.000 FCFA DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS
La victime et la famille porte alors plainte devant le tribunal d’instance de Gouré pour «détournement et viol» vu que le mariage n’a pas été contracté selon la coutume islamisée toubou. C’est alorsle processus judiciaire fut déclenché :confrontation, tentatives de conciliation, jugement, affectation du juge, etc.

D’après les témoignages de la famille, le PV établi par le CB/Pistes de la GNN a disparu avec le premier juge qui était en charge de l’affaire qui, avait aussi proposé ‘’un règlement à l’amiable’’ de l’affaire. Ce qui, a été rejeté par la famille. «Nous étions obligés de retourner à Tesker pour avoir une copie du PV. Heureusement nous l’avons obtenu», confie Alhadj Mahaman Taher, oncle de Falmata.

Entre temps, un nouveau juge a été affecté et l’affaire a suivi son cours. Il a auditionné les parties. Lors d’une comparution le 5 janvier 2020 devant un juge d’instruction, le nommé Issibié a réclamé 940.000 FCFA de dommages et intérêts. Par la suite, il refusait de répondre à la convocation du juge qui a failli prendre en compte les prétentions de l’intéressé Issibié, n’eut été le refus catégorique de la famille. L’oncle de Falmata a même écrit au ministre de la Justice le 28 mars 2020 pour lui exposer la situation.

Puis, en son audience du 28 mai 2020, le tribunal d’instance de Gouré a, suivant la décision rendue N°15/2020 du 28 mai 2020 a d’abord «reçu la demande de Falmata Saley comme étant régulière en la forme». Sur le fond, le tribunal a ensuite «constaté que le mariage n’a pas été scellé conformément à la coutume Toubou islamisée des parties» et a «dit par conséquent que le mariage est nul et de nul effet».

LES ORGANISATIONS DE DÉFENSE DES DROITS DES ENFANTS APPELLENT À LA MOBILISATION POUR SAUVER FALMATA…
Malgré la décision du tribunal d’instance de Gouré l’ex-mari de Falmata s’en tient à ses prétentions. «Ils nous a dit que Falmata ne se remarie pas tant qu’on lui verse pas la somme qu’il a demandée. Il dit même que tout celui qui veut l’épouser doit verser deux (2) millions de FCFA», a déclaré Alhadj Mahaman Taher, l’oncle de Falmata lors d’une conférence de presse organisée mardi 18 juillet dernier par l’Ong SOS Femmes et Enfants Victimes de Violences Familiales (FEVVF).

C’est donc devant cette tournure et consciente de l’influence du prétendu mari de Falmata que la famille de la jeune fille s’est tournée vers les organisations de défense des droits de l’enfant. «Nous réclamons justice parce que ce monsieur a détruit l’honneur de ma fille et a compromis son avenir», déclare la maman de Falmata.

Pour la présidente de l’ONG SOS-FEVVF, le mariage forcé est un viol. «Nous ne devons pas accepter ni même tolérer que des cas comme celui de Falmata se passent sous nos yeux sans rien faire», a expliqué Mme Mariama Moussa qui appelle tous les acteurs à se mobiliser pour bannir cette pratique de notre pays.